Sur les rives du réel





C'est avec un plaisir délicat que nous convoquons les hordes pédérastiques brunes, les bicots puants le bled, les juifs saboteurs des nations, les abréviations en tout genre PIBCAC40G8BCEetc., les maçons qui se logent dans le trou du cul du système, le peuple abruti et qui en redemande encore de l'abrutissement, sa drogue dure, les artistes pédants apôtres du rien, la république pot à merde des suscités tantouses, maçons et juifs, le bourgeois fossoyeur de l'Homme, bref c'est toujours avec un réel agrément que nous énumérons ce fond de commerce. C'est sonore, ça claque bien, immédiatement cela instaure un rythme, ça swingue dur, on danserait pour un peu que l'on ai le moral à ça. Bref encore, c'est notre footing du matin, notre mise en jambe, on se dégourdit, s'assouplit, et l'on marche au pas cadencé, la jambe légère et haute, bien droite jusqu'à la hauteur de la taille, et hop, c'est du bon rythme, on rigole un bon coup même si c'est pas drôle, ein, zwei, les teutons on ne peut plus rien espérer d'eux.
Dans un petit repas entre amis, discussion : football, chômage, école, investissement, taux de rentabilité, le pain de la boulangère, la météo, et là, toc, le complot judéo-maçonno-sodomite, ah ! ça fait du bien de mettre les rangers dans la soupe, avec une rasade de whisky ou une cigarette, voire mieux, les trois ensemble, suivi d'un rire et d'une quinte de toux, la vérité sans pincette c'est bon pour l'ambiance. Il ne faut pas bouder ses petites joies qui font que la vie sociale reste supportable et tout les jours augmenter son champ lexical, ses cibles.
Reste cependant à bien comprendre que nous ne défendrons aucune cause à cette même table, car selon nous tout cela est bien ordonné, c'est un joli château de cartes, par prudence nous ne nous y abritons pas mais l'ordre des choses, le mouvement de l'histoire, la balance de la justice, le glaive du guerrier, le sentier de l'honneur, c'est encore cela et toujours cela, cette forme informe à nos yeux, ce que nous sommes et où nous sommes. Nous prenons la réalité par la taille, l'embrassons amoureusement, l'étreignons, nous en servons une bonne rasade, "tiens mon ami, trinque...", et la buvons jusqu'à la lie, bien soigneusement. Puis nous levons cette coupe dans un profond respect au dieu qui nous fit naître là, écrasé sous le poids de sa miséricorde, bien pâle enfant de son amour, nous savons compter sur son pardon. Que demander de mieux, quelle belle épreuve !