Sur l'autre rive






Un être cher lorsqu'il est malade et déformé par la douleur, pris par le grand calme qui l'emporte sur la rive du mystère, déjà n'appartient plus à notre réalité. Ainsi pour nous la France. Cet être cher qui nous fit tant de joies, qui fit tant de joies à la ligne de notre sang, tant que nous souffrons aujourd'hui avec lui, atteint avec lui par ce mal qui obscurcit les veines. Corrompu ce corps, par l'erreur non seulement mais aussi la bêtise, la lâcheté, la pédérastie triomphante et son cortège d'inversions du sens, par les hordes de zoulous ou de bicots puant le safran et la sueur, corps corrompu par l'oubli de ce qu'il fut, corps sans tête depuis trop longtemps, corps sans vie, corps sans mémoire, mort. Mémoire sans père, mémoire vendue aux marchands du temple, mémoire jetée, comme une catin qui fut une reine, à tapiner le touriste, mémoire lacérée par une cinquième colonne. Maudite cinquième colonne de psychanalystes de l'histoire, adepte d'une religion du ressentiment et de la culpabilité narcissique, religion fondée à Vienne par un juif lubrique.



Mémoire trésor enfoui, mémoire esprit, mémoire temple, mémoire humaine, 
l'avenir est à toi !

Corps de pierre, corps sacré, corps mutilé, corps tonitruant, 
renais à la lumière !



Sur le banc des églises, dans la file indistincte des humains, dans le coeur des villes, au sein profond des campagnes, dans les banques, les boîtes, dans les hôpitaux, dans vos écoles, dans les forêts, nous sommes partout ! Nous sommes là écumant de peine à la vision du désastre, ayant tourné le dos depuis longtemps aux sirènes de ce monde en putréfaction. Nous sommes là, vivants êtres de sève, attendant l'heure où le fruit pourri de l'arbre tombera au sol, heure où nous l'enterrerons sans regret, nous enterrerons la France, nous enterrerons le fruit qui mit des siècles à murir, beauté rugueuse du fruit en phase terminale, beauté de ce temps qui nous porte, beauté de l'espoir que le fruit porte en lui. Nous sommes là et notre espoir magnifique crache au visage d'une modernité trop sûre d'elle-même pour être honnête. Notre pied foule le fruit, notre pied écrase le fruit comme une prière, notre corps tout entier pousse le fruit à s'incorporer à la terre, fruit mort portant la vie, nous hâtons cette mort pour hâter la vie.

C'est cela bienheureuse décadence.