Jérémiades



Dieu se dit dans le verbe, par écrit il laisse des traces de son amour et de ses exigences. En ce sens on comprend le rapport de l’Israël antique à ses prophètes, poètes mystiques des plaines de Canaan. Ce peuple religieux a eu un lien, au livre, à la langue et donc à la culture fondamental, puisqu’il était lui même Dieu se disant. Dieu se disant sous toutes les formes, polyglotte. Le désir de l’écriture était donc une expression prophétique, écrire que ce soit sur le sable, une peau, une mémoire ; et un Jérémie, prophète du peuple en déroute devait bien avoir un écritoire pour figer ses suppliques, suppliques reprises ensuite par le peuple qui derrière son poète implore.

Cela pour dire un rapport à la langue.

On a retrouvé cet amour de la langue en France et par extension en Europe avant le Grand Chambardement. Le poète ne disait plus alors la fidélité de Dieu à son peuple, mais l’amor, l’amour polymorphe, la souffrance et la gloire de l’homme, visages de son Christ. Le Christ s’est dit dans nos poètes, il s’est dit radieux, crucifié, fragile, errant sans toit, prince de paix, seigneur des armées, sage et fou. La France a revendiqué très tôt un statut de nouvel Israël, celui de fille aînée de l’Eglise l’encourageant : c’est la témérité de l’amour et du désir, bel et fort orgueil du royaume. Les sans-cullottes dans leur aveuglement avaient bien saisi ce programme politico-religieux qui décapitèrent les rois de Juda et d'Israël, immenses piliers de la façade de Notre Dame, avant que les intellectuels dans le même mouvement ne décapitassent la monarchie Franque.

Cela pour dire un rapport au temps.

Juda est dispersé, Israël est en esclavage, exilé en de riches citées sacrifiant aux idoles, le peuple élu a oublié son Dieu mais Lui n’oublie pas, alors Il redresse son peuple à coups de marches, d’humiliation, d’invective, d’harangues  prophétiques. Si l’on veut bien accorder à l’histoire humaine une logique (pour cela il suffit de la reléguer au phénomène d’évènement naturel et toute histoire naturelle a une logique de croissance), disons alors que prendre l’Histoire Humaine comme Surnaturelle serait enfoncer une porte déjà ouverte… Comment entendre aujourd’hui les signes des temps ? « Tu m’a livré à mes ennemis, autour de nous décadences, le bien n’est pas aimé et le mal règne, tes enfants sont livrés en pâture aux chacals, ils ont profané ton sanctuaire et insulté ton Nom, le puissant piétine la veuve, mais Toi Seigneur, tu te souviens de ton amour. »

Cela pour dire un rapport a l’espérance.

Pourquoi faudrait-il baisser la tête ou se taire ? Le pays est en ruines, soit. Cependant, tant qu’existe une prière dans un petit coin de France, dans tous les petits coins de France, la victoire est acquise. Que pourrions nous craindre ? Rien. C’est pourquoi aussi nous pleurons et rions dans un même mouvement, ils peuvent saccager, salir, ce ne sera qu’un peu de poussière que balaiera le temps. Bien sûr nos espoirs seront déçus, les juifs au faîte de leur histoire voulurent couronner le Christ, il s’est enfui, ils l’ont même cloué au poteau pour finir, c’est une leçon à méditer. 
Nos espoirs seront déçus car nous savons mal espérer, c’est simple. 
Notre Espérance sera victorieuse car elle vient toujours vers nous, c’est beau.

Tout cela pour dire l’Ordre.