Les Happy Few de Bienheureuse Décadence.





Dans la posture de l'équilibrisme mystique, reposant à la fine pointe du paradoxe et du mauvais genre, qui sont les délicieux esthètes qui régalent ces lignes d'un humour qui ne fait rire qu'eux ?
Décadents, il ne connaissent pas comme leurs pères des centaines de vers classiques ou parnassiens, ni le grec et le latin, ni ces équations ludiques qui remplissent des livres, ils ne jouent pas comme leurs mères au bridge, ni au clavecin, ni à la harpe, ni ne connaissent par leurs noms les herbes de nos campagnes ou les peintres des églises romaines. Non, décadents, ils ne connaissent plus rien, ils ont oublié. C'est pourquoi ils sont bienheureux, se réjouissant des discussions que soliloquent âme et cerveau, se perdant au beau milieu de rêveries des jours durant, et leurs cœurs rythmant leurs actes au fil d'une ininterrompue action de grâce. Et ils aiment à rire.
Décadents, ils ont toujours quelques boîtes d'ivoire ou d'argent, tenues d'une arrière grand-mère, où reposent, dans l'attente de ces rares nuits où la lune ouvre les portes du sens, de dangereuses drogues, herbes rares, champignons des forêts archaïques, hydrocarbures savamment agencés, mais aussi de nombreuses fioles d'eau de feu, Esprit des Fruits et puis dans des caves, d'anciens vins de Bourgogne destinés à être bus sans aucun aliment. Oui, bienheureux encore, perdus sur les cimes de l'esprit, buvant à la source jusqu'à l'ivresse, puis descendants aux abîmes, ils scrutent les tréfonds de leurs êtres. Ils ont appris là qu'ils étaient vraiment fait de la glaise et du souffle de dieu. Les rites barbares sont pour eux empiriques. Et ils aiment à rire.
Décadents, ils ne portent que de fines étoffes, laines écossaises, soieries lyonnaises, bottes alsaciennes, puis se réduisent, pour rendre hommage à la vérité, à l'état de mendiants, délaissant l'eau sous toute ses formes pour de longs mois, laissant leurs beaux habits aller en guenille et les insectes y loger. Pris entre les mouvements de ce métronome ils sont bienheureux car c'est la meilleure part que celle qui n'est pas tiède. Et ils aiment à rire.
Décadents, ils trahissent les espoirs que l'on a mis en eux. Ils trahissent aussi les idéaux qu'ils chevauchèrent par manie du Jeu et de la Méthode. Ils trahissent le bon sens en restant fidèle à leur folie. Bienheureux, oui, ils sont des enfants. Et ils aiment à rire.
Bienheureuse Décadence car les ruines de notre monde sont les prémisses d'une aube nouvelle, car il est juste que le désordre chute, car l'espoir du chaos est salutaire et salutaire la joie.