Le Complot, c'est Nous.




L'histoire du coup d'état trouve sa source dans celle de l'état. C'est ce retour des sources, à la façon de Lanza del Vasto, que nous entreprenons, et comme un fleuve se divise avant d'entrer en mer nous approcherons par divers chemins.
L'état moderne s'initie dans les derniers règnes capétiens et se fonde dans le jacobinisme, la révolution française affirme la dépersonnalisation du pouvoir (malgré le retour du refoulé napoléonien) en tuant le roi à la façon mahométane. C'est cette dépersonnalisation qui crée l'idée du coup d'état, ainsi le coup de force est une idée essentiellement contre-révolutionnaire. C'est pourquoi toute véritable insurrection est d'essence monarchiste.
Remontons donc ce courant vitaliste. D'abord la Vendée premier terrain de lutte a donné des saints à la cause, dernières figures du Chevalier Très Chrétien, ses chefs furent les premiers anarchistes de droit divin. Cadoudal emboîte le pas superbement ; comme le roi guillotiné symbolisa la rupture de la tête et du corps de la nation, Cadoudal symbolisa dans sa décapitation la rupture du corps et de l'âme du peuple de France. C'est sous le patronage de ces géants que tous les véritables partisans du coup de force se placent. Le mouvement se continua avec les Ultras - qui plus royalistes que le roi traduisent bien le dilemme qui ne cesse de se poser à l'idée monarchiste - et avec les collectivistes Proudhoniens ou Fouriéristes - acquis à Hegel - (1). L'Action Française portera ce dilemme longtemps, la mort du comte de Chambord ne simplifia pas la question, bien que le comte de Colleville essaya de théoriser une logique orléaniste celle ci ne s'imposa jamais. On voit d'ailleurs dans l'œuvre prolifique du comte de Colleville un glissement vers une royauté ultramontaine radicale qui ne s'est jamais infirmée, en effet ne met-il pas plus de cœur à faire l'éloge de Pie X ("Pie X intime") que des Bourbons ("Carlos 1er intime") ou des Orléans ("Le duc d'Orléans intime") ? Dans cette logique, le contre-révolutionnaire contemporain se place volontiers sous la royauté du Christ, éternel Grand Monarque, refusant à la république plébéienne le droit d'édicter des devoirs. L'anarchisme se présentait devant les fonts baptismaux. Un des prêtres de l'insoumission radicale sous une gouverne transcendante, Georges Bernanos, s'inscrit dans cette généalogie en dédicaçant  La Grande Peur de Biens Pensants à Maxence de Colleville (2), pour aboutir avec Les Grands Cimetière Sous La Lune au tournant libertaire que nous décrirons. Tandis que l'idée légitimiste se perdait avec De Gaule lors qu'il renonçait à l'issue de la guerre, sous le contrepoids des communistes hégéliens, à appeler le comte de Paris au secours de la France, à l'autre extrémité du spectre se formaient les mouvements autonomes. Pierre Boutang, fier camelot du roi, fils fidèle de Bernanos, abreuve d'une voix mystique les royalistes et donc les anarchistes : insoumission intime à un ordre injuste, prophétisme biblique de la royauté dans une incantation presque païenne à ses racines, place de l'homme dans l'univers et sa relation politique à la nature, esquisses d'une Ecologie Directe. Or, un des fils de Pierre Boutand, aujourd'hui écologiste rangé au sein des Verts, Yann Moulier-Boutang fonda la revue Camarades qui enfanta le suscité mouvement dit autonome. Quelle belle Logique ! Le mouvement autonome se place dans le cadre du terrorisme européen des années 70, terrorisme éminemment politique et libertaire, mystique encore. Sortent du mouvement autonome comme de la cuisse de Jupiter les Noyaux Armés Pour l'Autonomie Populaire, Action Directe, Florence Rey, les alter-mondialistes, jusqu'au Parti Imaginaire de Julien Coupat ou Tiquun. Tous sont disciples de Maurras et de son Si Le Coup De Force Est Possible, le sachant ou non. Il y eu des interférences durables avec la philosophie hégelienne qui ont créé des zones de turbulence nihiliste. Nonobstant, cet écueil c'est éteint avec la conversion de Ilich Ramirez Sànchez dit Carlos (3) ou celle de Benny Lévy, brève flamme noire dont le profond souffle de Léon Bloy eut raison ; quelques flammèches éparses encore vacillent : laïcisme et paganisme.
Nous voyons donc bien la convergence des luttes qui se résout dans un compromis Inter-nationaliste, de fait il est cohérent que le peuple cadoudalien et la monarchie chrétienne se retrouvent.
Nous voici à ce moment, le peuple très chrétien de France tient encore la barre, sa fidélité évangélique ferait pleurer n'importe quel dramaturge, ses fils sont encore là, droits et fiers portant le Christ, les autonomistes de la cause du peuple n'eurent jamais autant raison, le capital asservit l'homme, le capital est le Totalitarisme, la Nature appelle intensément ses enfants à la dignité et la réconciliation. Tous ces points du spectre convergent sur la république française et ses ultimes fruits déliquescents.

(1) Observons des parallèles fortuits : Fourier, Hegel et Cadoudal naissent dans la même année, Fourier et Cadoudal se battent tout deux avec les contre-révolutionnaires, l'un à Lyon, l'autre en Bretagne, Fourier et Proudhon tous deux Franc-Comtois naissent à Besançon, Hegel et Proudhon, franc-maçons célèbrent la révolution française, Cadoudal et Fourier y virent rapidement soit une trahison, soit une idée bourgeoise trouvant sa solution dans l'esclavage humain par le règne du profit. De durables inimitiés se nouèrent là.
(2) Maxence est le fils de Ludovic, l'auteur entre autres de Pie X intime, La Question monétaire et la frappe libre de l’argent, L’antisémitisme et les Droits de l’homme, Bernanos dédicace : "à Maxence de Colleville, en mémoire des grands rêves de notre jeunesse / que la vie a humiliés / mais que nos fils vengeront peut-être demain".
(3) Au début des années 90, de jeunes anarcho-solidaristes lyonnais, futurs ex-camelots, recouvraient les rues de la ville de bombages : "Libérez Carlos". 



Mobilisation Générale




Il faut prendre à rebours la mobilisation, prendre à rebours nos engagements et nos espoirs.
Sommeille en nous l'idée du coup de force.
Sommeille en nous une mythologie des tentatives contre-révolutionnaires, une forme de monarco-fascisme ou d'anarco-royalisme qui fit de nous les fers de lance d’une caste d'aristo-zup, sorte d’élite fondamentaliste et irrécupérable.
Sommeille, avec cette mythologie, un langage à la fois romantique et systématique, volontiers violent, provocateur, cinglant, esthétique et précieux dans une poétique de l’ordre et de la force.
Sommeille notre jeunesse qui s'en va, jeunesse à tout asservie dans un vide où nous semblait habiter la fin d’un monde. 
Sommeille aussi les récits et les légendes, l'histoire et la vertu, les paysages de l'enfance et la camaraderie…
Comme sur une braise le temps a soufflé et la braise a consumé le bois nouveau.
Nous avons cru un instant encore aux sursauts de chouans portant des casques de moto et des blousons saillants, aux armes qui ressortaient des malles, aux marches festives, à l'odeur de la poudre, chevauché fantastique, mais aussi au réveil d'un peuple et à sa réconciliation. 
L'espoir s'extériorisait, nous étions suivis par la foule, nous qui avions, « depuis toujours » raison, nous qui avions tant crié dans le désert tout confort de nos milieux privilégiés. Comme une bouffé d'air que nous pensions pouvoir enfin convertir en tornade dévastatrice… Reste en nous à jamais les traces de ces cris que la vigueur de notre jeunesse lança, reste à jamais cet espoir de voir s’effondrer la République du mensonge…

Il faut prendre au mot l'action. Peser les fruits. Mesurer leur taux de sucre. Bien pâle récolte dans notre champ.
Dans une certaine mesure beaucoup sont entrés dans leur vie comme un secours temporel, le lieu de l'homme intérieur. Chacun à défini sa forme de sainteté pour marcher droit dans ce monde. Et cette voie, souvent celle de la famille et de l’Eglise, est centrée sur la maison puisqu'ailleurs c'est la sauvagerie. Puisque nous ne pouvions rien faire que prier, et travailler au détail, être parcelles, nous avons envahi le présent, bien pauvrement dans le réel.
Nous étions des réfugiés : notre refuge, l'intimité et la famille, la transmission. Il faut aussi comprendre cela comme le déclic, ce pourquoi la bonne vieille France s'est levée.
Notre for intérieur à cru voir s'ouvrir une porte où l'espoir qui est esprit s'est emporté.
Nous avons en nostalgie le grand geste libérateur.
Nous avons en nostalgie le coup de force du Christ.
C'est ainsi.
Et que faire.
Retourner à notre jardin et au secours de la maison, à nos vocations.
Ou vouloir à nouveau se préoccuper du monde et agir dans une perspective politique. Voulons-nous sortir de chez nous et battre la campagne ?
Nous prenons-nous pour des soldats du Christ ?
Est-ce une mobilisation ?
Le début ou la fin ?